vendredi 11 septembre 2015

COPAINS D AVANT ET PLANS CUL DE MAINTENANT

Troubadours du net : Facebook vs Tinder

Possédant un compte Facebook depuis 2010, je pense pouvoir dire que ces 5 années font de moi une utilisatrice à l’expérience fiable et représentative.

Au début j’étais déçue : à part retrouver Patrick et Fabienne du lycée (oui je suis née dans les années 70), à qui je n’avais absolument rien à dire… même si constater que ces ex stars de la cantoche étaient devenus, pour l’un un type dégarni et gras posant avec son chien devant un pavillon Bouygues, pour l’autre une ménagère soumise à son mec alcoolique et à sa coiffeuse coloriste sous acides ( d’où la photo avec les mèches violine et miel, raides devant, frisées derrière ) me remplissait d’une allégresse revancharde très satisfaisante.

Mais très vite, je m’aperçus que les demandes d’amis ou prises de contact n’étaient plus vraiment
« Mes copains d’avant » mais « Mes plans culs de maintenant ». Une nouvelle ère s’ouvrait à moi et j’eu plusieurs aventures avec des braconeurs du net.

Ces dragueurs Facebook pouvaient se ranger dans des catégories bien distinctes :

  • Ceux qui envoyaient des pokes ( que je collectionnais et conservais avec autant de soin et de fierté que les bons points de mes années d’écolière) : des timides, des fières ou des paresseux, qui préféraient attendre un retour de poke avant d’aller plus loin dans une démarche de séduction.

  • Les pas subtils qui likaient toutes mes actu, commentaient le moindre de mes faits et gestes, à grand renfort de LOL ou de smiley clin d’œil (« t’y as vu je te drague, t’y es bonne, t’y as compris ??? »)

  • Les romantico-frustrés qui m’envoyaient des messages en privés pour m’expliquer pourquoi nous étions faits l’un pour l’autre (« Moi aussi j’aime les animaux, et comme toi je déteste l’injustice »)

La drague Facebook c’était un peu la drague de chez mamie : presque old school, pas méchante, pas franchement assumée, toujours sous couvert d’amitié, avec un ami commun en chaperon, et un petit kir violette en digeo.

Quand tout à coup mon vieux monde s’écroula.
Un jeune collègue de 20 ans, beau comme un enfant, fort comme un homme…et j’ai compté en le voyant mes nuits d’automne, me lança avec la candeur infernale de sa jeunesse : « wesh meuf tu connais pas Tinder ??? MDR !!!! TMTC pour pecho c’est trop de la balle, va tema ».
Je crois qu’il cherchait à me vanter les mérites de cette application : à savoir ses résultats immédiats et sa clarté d’intention.

Encouragée par cet argumentaire irrésistible, je m’inscrivais donc sur Tinder.
Et là point de bla bla, point de napperons sur la télé à mémé mais des mecs qui en veulent. Qui te veulent, là maintenant tout de suite.

C’est ce qui est un peu déroutant avec une application aussi clairement dédiée au sexe : il manque les fleurs, les chaussures qu’on frotte bien sur le paillasson avant d’entrer, la pochette en soie dans le veston quoi.

Mes débuts sur Tinder furent marqués par des tatonnements liés au manque cruel d’intuitivité de cette application diabolique.

Ma première erreur fut de faire défiler les photos de gauche à droite : ce qui fit que je me retrouvais à matcher avec Gérard, Hervé, Thierry et tout ce que compte la ville de has been libidineux et MOCHES . Car force est de constater que les Hervé et les Gérard sont MOCHES. Les Thierry un peu moins, c’est comme ça.

Je ne pus ensuite que désespérer de la platitude des approches : «  salut sa va ???? » « salut, moi c’est Kevin » (ohhhh ???? sans déc ?? tu veux dire que ton prénom est le même que celui que tu affiches sur ta photo de profil ??? naaaaaaaaaaan ?? sérieux mec ??? je sens déjà que tu es surprises, rebondissements, éclats de rire, lignes de coke et fantaisies alcooliques !!!!!!).

Par la même occasion je maudissais l’éducation nationale et fustigeait sa méthode d’apprentissage de l’orthographe….

J’étais néanmoins fascinée par la diversité des profils et fréquemment intriguée par le manque de perspicacité et d’imagination des photos.
Qu’est ce qui pouvait bien faire penser à tous ces mecs que la photo de leur chien pouvait être une raison pour une meuf de liker leur profil ?????

Pourquoi tous ces mecs posaient avec leurs enfants ???? Un ami m’expliqua que c’était une tactique pour montrer un côté rassurant, pilier de famille, qui pouvait plaire à des femmes fragiles…. Moi je trouvais juste que c’était un bon filon pour les pédophiles. Et qu’en plus leurs enfants étant souvent très moches, ça ne donnait pas du tout envie de s’accoupler avec eux.

Machinalement, l’attention vite parasitée par une sensation d’écoeurement, je faisais défiler les profils sans vraiment les voir. L’impression d’être dans un supermarché humain avec des produits bas de gamme, en solde, dont personne ne veut. Parfois un visage ou une rangée d’abdos se détachait du lot, mais j’allais trop vite et je le loupais….

Le pompon fut atteint le lendemain de mon inscription, quand tous mes collègues célibataires, présents sur Tinder, me jetèrent des regards bizarres que j’imaginais pleins de sous-entendus : peut-être étaient-ils vexés de ne pas avoir été sélectionnés par moi ou juste méprisants pour la gourgandine libidineuse que je devais être à coup sûr ?


Tinder avait eu raison de ce qui me restait de naïveté, de confiance en l’intelligence humaine. Tinder m’exposait tous les queutards de la ville dans toute leur fierté pathétique, dans toute la sordidité de leur manque affectif que ne combleront jamais des éjaculations en série dans divers vagins épilés.


Facebook me laissait au moins l’illusion que je n’étais pas de la chair pour des canons mous du zguegue…Chez Mark Zuckerberg, j’étais comme chez ma mamie, et je pouvais siroter ma tisane avant de faire le mur pour découcher…