mardi 10 novembre 2009

BOUGEONS AVEC LA POSTE

Aujourd’hui mes amis, réglons une bonne fois pour toutes son compte à un mythe, tordons le cou à une légende, essuyons nous les pieds sur le paillasson d'un des derniers survivants de la bureaucratie à la papa : la poste.

Avec les commémorations du 2Oème anniversaire de la chute du mur de Berlin, on revoit des images de l'époque révolue des files d'attente, des complications administratives pour obtenir un formulaire B12 (sésame indispensable pour refaire la queue au bureau délivrant les laisser passer U23), des monopoles ...un système absurde et liberticide, heureusement éradiqué de l'occident.
Mais il est un lieu résistant encore et toujours au progrès, à la libéralisation des échanges, un lieu où vous pouvez revivre les bonnes heures de l'occupation : la poste !

Ce matin je m'en allais sereinement, telle Perrette et son pot au lait, brandissant fièrement dans mes petits poings serrés l'avis de passage de mon facteur, qui avait semble-t-il sonné alors que j'étais chez moi mais bizarrement je n'ai rien entendu, perte d'ouïe due à mon grand âge sans doute , ou alors ce fourbe se venge de toutes les fois où je ne lui ai pas laissé d'étrennes (mais c'est parce qu'il voulait pas me donner les recommandés adressés à mon mari : même nom, même adresse, marié mais ça suffit pas, depuis je nourris une haine sans borne contre mon facteur). En plus je l'avais prévenu par oral : pas de recommandé, pas d'étrenne.

Ayant déjà connu les joies liées à la récupération d un colis à la poste je m'étais munie de ma carte d’identité et de l’avis de passage. L'avis de passage précisait : "votre colis est disponible à partir de 10 heures", il était 10h10 lorsque je me pointais toute excitée (naïve enfant) au bureau de poste, avec la satisfaction de la bonne élève consciente d'avoir tout bien respecté les consignes de l'exercice. A l'entrée, plusieurs employés en gilet rouge et casquette jaune cherchent à recueillir des signatures contre la privatisation de la poste, sujet sur lequel je suis jusque ici restée assez réservée, voire peu concernée. Je contourne lâchement les rebelles du libéralisme.
1ére contrariété : je ne suis pas la seule à me sentir toute excitée à l'idée de faire la queue à la poste, visiblement environ 250 personnes ont eu la même idée. L'idée de se laver moins en revanche. Mais bon. Je me mets sur la pointe des pieds pour dépasser la composition savante de dreadlocks devant moi, le type est probablement en BEP pâtisserie et cherche à s'exercer sur son projet de pièce montée AVEC SES CHEVEUX. Bref, je tente d'apercevoir le guichet qui correspond à l'opération que je souhaite ; "colis" aperçois-je, c'est pour moi, c'est pour moi !! y a personne !!! gniiiiii !!! Je me mets en apnée et fend bravement la jungle des sacs de poireaux, des poussettes, et des cannes.


Le graal est là, nimbé d'un halo de lumière : une dame pas souriante me jette un oeil, ce que je prends pour un signe de bienvenue. L'employé de la poste ne sourit pas et ne vous regarde pas. S’il vous regarde c'est déjà un signe qu'on peut rapprocher de ce que nous appelons l'énergie vitale chez l'humain normal.

J’avance, avec respect et crainte vers celle qui me délivrera mon oreiller en balle d'épeautre (signe de mon engagement écologique et bio, de mon besoin pour une vie meilleure et naturelle) commandé sur internet. Je lui tends en souriant mon avis de passage non sans avoir prononcé distinctement une formule de politesse basique en signe de paix. Signe auquel la préposée ne daigne pas répondre du haut de son auguste pouvoir. Qu’à cela ne tienne, rien ne saurait entamer ma foi en l’humanité. Je la vois taper plusieurs fois le code de mon avis, je la vois l’effacer, penser à ses points retraite, recommencer, souffler. 5 mn se passent et mes rêves de nuits embaumant la paille et le foin s'éloignent...la postière ouvre la bouche (elle parle !!) : " y sont pas encore traités ceux là, faudra r’venir ct' après midi"....
Moi: "mais il y a marqué 10 h là et j'ai posé exprès ma matinée"
Elle, vaguement satisfaite : "eh oui mais il (qui ça il ?? un ouvrier anonyme de cette ruche sur laquelle elle règne sans partage ??) a pas eu le temps de le traiter"
Moi " mais je veux pas qu’IL le traite, je veux qu’ IL me le donne"
Elle :" ben faut r'venir ct' aprèmidi".
Sentant qu'elle et moi n'étions pas partie pour nous échanger nos recettes de cuisine autour d'un bon Thé Mariage Frères, j'assène mon coup de grâce en me drapant dans toute ma dignité : "ben je suis pas prête de la signer vot' pétition contre la privatisation!".
Et en partant j'oublie ma carte d'identité que la reine des abeilles me tend en riant, goguenarde : « oubliez pas votre carte d identité pour signe la pétition" !
M'étouffant de rage et de frustration, d'impuissance et d'injustice je maudis le service public et ses dérives lamentables, je me maudis de le maudire, je maudis les derniers privilégiés du 21 ème siècle, le système qu’on a congelé au 20ème siècle, et je repense à cette maman dans Good bye Lenin, que ses enfants cherchent à ménager et à convaincre que le mur n'est pas tombé, elle aurait pu venir faire la queue avec moi ce matin, et repartir convaincue que les choses n'ont pas changé et que le temps s'écoule aussi immuablement dans un système parfaitement compartimenté, rigide et rassurant.

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